Mais tout cela ne sont que des constatations et n’explique pas le pourquoi de ce rejet des Autres.
Si on étudie le phénomène dans l’histoire, on s’aperçoit que :
•  dès la préhistoire, les hommes de Cro-Magnon ne se mélangeaient pas aux hommes de Neandertal (sauf rares exceptions).
 
•  Puis, dans l’antiquité, quand des peuples créaient des colonies, ils se mariaient très rarement avec les autochtones (sauf alliances diplomatiques). Ils cherchaient à conserver la « pureté » de leur origine.
 
•  Les Grecs traitaient tous ceux qui ne parlaient pas leur langue de « barbares ».
 
•  La bible, qui est le reflet de la société dans laquelle elle a été écrite, imagine toute une filiation divergente à partir de Noé, avec des races maudites par Dieu (les descendants de Cham : les Africains). Ce qui n’a pas arrangé le problème. Elle recommande aussi de ne pas se marier avec d’autres peuples.
 
•  Et que dire du christianisme conquérant ? De Charlemagne qui disait des Saxons qui ne voulaient pas se convertir « qu’un bon Saxon était un Saxon mort », en passant par les croisades, les conquistadors ou l’Inquisition, comment ne pas se sentir supérieur si c’est Dieu qui le dit ?
 
•  L’esclavage a encore augmenté cette idée de race inférieure. N’oublions pas que pendant la dernière guerre mondiale les noirs américains n’avaient pas le droit d’être aviateurs, par exemple, car « ils n’avaient pas les mêmes capacités physiques et intellectuelles que les blancs ».
 
•  Quand les Anglais sont arrivés en Indes, ils regardaient les indigènes de haut, mêmes les rois de ce pays à la civilisation millénaire. Pour eux, c’étaient des noirs, des sous-hommes! A l’époque, les immigrés étaient les puissants, ceux qui détenaient les armes les plus dangereuses, et donc ils se jugeaient supérieurs. Et il en était de même de tous les Européens avides de territoires nouveaux à coloniser. Et il fallait bien une théorie des races supérieures pour légitimer la colonisation et l’esclavage.
 
•  Pour mettre cet eugénisme en exergue, quel meilleur exemple que le fascisme d’Hitler, qui a justifié les pires horreurs contre les « races inférieures »!
 

•Et je ne parle là que de l’Europe mais nous n’avons pas l’apanage de la xénophobie et du racisme. Les Chinois, les Japonais se jugent largement supérieurs aux autres races. Sans parler des guerres ethniques en Afrique et… la liste serait tellement longue !
    Ce qui est curieux, c’est que les zones où on vote le plus « extrême droite » (dans tous les pays), sont des régions agricoles où il y a peu d’immigrants. Quand on leur pose la question les gens disent qu’ils ont peur qu’ils arrivent chez eux !
      Une autre constante est l’immigration.  Et l’histoire nous montre que ce phénomène est immuable même si les immigrants ont changé au cours des années. En France, au début du XXe siècle c’était les Corses, les Auvergnats, les Bretons puis nous avons eu les Italiens et les Espagnols, puis les  Africains et aujourd’hui, les Roms…
     Toujours, ces populations étaient rejetées par les « bons » Français, moquées, conspuées, dénigrées. Pourtant la majorité s’adaptait, s’intégrait mais une minorité, aigrie, révoltée, alimentait les prisons.           Savez-vous qu’en Suisse, les immigrants que l’on juge sales, fainéants, violents, ce sont les Français ? Et des partis politiques d’extrême droite font campagne contre leur   « invasion » par nos concitoyens. L’immigration, ce déracinement que l’on accepte le cœur gros, en raison de conditions particulièrement difficiles dans notre pays d’origine, parfois de danger de mort, est perçue par les autochtones comme une invasion ; ils ont l’impression que ces gens viennent prendre leur travail, leur logement, surtout pendant les périodes de crises. Et pourtant, les immigrants acceptent en général ce que les autres ne veulent pas : travaux non qualifiés, dangereux ou épuisants, logements insalubres…
      Nous constatons, en y réfléchissant, que la constante chez ces personnes qui emplissent les prisons, ce n’est pas qu’elles sont d’une certaine race, religion ou culture mais qu’elles sont en majorité issues de populations pauvres. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que tous les pauvres sont des délinquants mais il est bien certain qu’avoir l’impression qu’on ne va jamais s’en sortir, que, quoi qu’on fasse, on n’aura jamais d’évolution, cela exaspère,  cela donne envie de se rebeller, quitte à franchir la ligne de la légalité, voire de la violence.
Les Autres
          Quels autres ? Tous les autres,… ceux qui ne sont pas comme nous ! Donc, ceux qui ont tort ! Droite ou gauche, blancs ou noirs (ou café au lait), les aristos, les fachos, les cocos, les homos…
         Pourquoi ce rejet des Autres ? Dans tous les pays, dans tous les peuples, on a peur des Autres. Aujourd’hui, bien sûr, dans notre société, on ne l’avoue pas facilement, cela ne se dit pas ; on proclame plutôt : « Moi, je ne suis pas raciste, mais il faut reconnaître que les prisons sont pleines d’Arabes… ».
        Et cela est vrai, de même qu’en Amérique, elles sont pleines de noirs et de latinos, en Norvège de Lapons, dans les Emirats Arabes Unis de Pakistanais, en Inde d’intouchables,…
 

    Si nous recherchons à nouveau la constante, nous nous apercevons qu’il s’agit d’un sentiment de supériorité. Les Autres ne sont pas comme nous, nous sommes plus intelligents, plus beaux, plus fort, plus cultivés, nous détenons la Vérité religieuse, etc.
 
     Donc, nous constatons que le phénomène ne date pas d’hier. Mais il perdure aujourd’hui d’une façon plus insidieuse. En effet la plupart des pays admettent qu’il n’y a pas de races ou de pays inférieurs mais à l’échelle individuelle, le rejet n’a jamais été aussi fort. Les partis politique d’extrême droite cristallisent et profitent de ce sentiment pour mettre en avant l’idée que la faute vient toujours des Autres : la crise ce n’est pas à cause des boursicoteurs mais « à cause des immigrés qui nous volent nos alocs, qui se font soigner gratos… »
    Et après tout, pendant qu’on tape sur les « bronzés », on ne réfléchit pas aux changements climatiques, à la pénurie d’eau potable et surtout pas aux riches qui s’enrichissent de plus en plus.
 
     Cela a toujours existé : Au moyen âge quand la peste sévissait, on massacrait quelques dizaines de Juifs. On savait bien que c’étaient eux qui empoisonnaient les puits !… Pas question de réfléchir au fait qu’eux aussi tombaient malades… On avait trouvé un bouc émissaire, c’était le principal ! Mais on pourrait penser que dans notre société éduquée, cela aurait changé. Non, car il faut toujours trouver un coupable à nos problèmes ! Il faut trouver un inférieur pour se sentir supérieur. Et plus on vivote vers le bas des échelons de la société,  plus on a tendance à se chercher des « plus bas que soi » (dans une logique qui n’a souvent rien à voir avec la réalité).
 
      Mais le plus grave, c’est qu’à force d’entendre critiquer les Autres dans les repas entre amis, on finit par se demander si ce n’est pas nous qui nous trompons, s’il n’y a pas un complot d’envahissement général de la France par les Musulmans, de Latinos aux USA, de Français en Suisse et de Petits Gris sur Terre. NOOONN !!